qui n’eût pas manqué d’éveiller les soupçons d’un enfant moins candide que le dauphin Charles, le geôlier, qui jusqu’alors n’avait été qu’à regret et qu’en tremblant complice de ces entrevues, semblait maintenant les encourager et les provoquer par sa complaisance. Un soir, ils causaient comme à l’ordinaire, Charles accoudé sur la partie saillante du guichet, et Blanchette trottant de l’un à l’autre et leur distribuant ses caresses avec une édifiante impartialité. La conversation, longtemps vagabonde, tomba enfin et s’arrêta sur les projets de Charles pour son règne futur. « Voyons, que ferez-vous quand vous serez roi ? dit gaîment le prisonnier, qui, plus vieux d’années et surtout de malheurs, avait dans la conversation une supériorité marquée sur son jeune ami. — Belle demande ! je ferai la guerre ». Nemours sourit tristement. « Oui, poursuivit le dauphin en se frappant le front de l’index, depuis longtemps j’ai mon projet là. D’abord j’irai conquérir l’Italie : l’Italie, vois-tu Nemours, c’est un pays merveilleux, où les rues sont pleines de musique, les buissons couverts d’oranges, et où il y a autant d’églises que de maisons. Je garderai l’Italie pour moi ; puis j’irai prendre en passant Constantinople pour mon ami André Paléologue ; et enfin, avec l’aide de Dieu, je compte bien délivrer le Saint-Sépulcre.
Et après ? dit malignement le jeune duc. — Dame ! après… après… répéta l’ignorant dauphin, quelque peu embarrassé, j’aurai le temps peut-être de conquêter encore d’autres royaumes, s’il y en a. — Et le soin de votre gloire vous fera-t-il négliger votre peuple ? ne ferez-vous rien pour lui, monseigneur ? — Si vraiment ! et d’abord, avant de partir,