Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/78

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Quel bonheur ! mais, hélas ! c’est un rêve : le sort
À de sa main de fer encloué mon essor,
Et, comme le chevreau captif au pied d’un chêne,
Pour brouter quelques fleurs, je tiraille ma chaîne.
Du sol natal au moins j’exploite les trésors.
Et que me servirait d’aller, de bords en bords,
Évoquer du tombeau quelque nation morte ?
Une grande ruine est debout à ma porte.
Oui, venez parmi nous, curieux pèlerins,
Dont la voile frissonne à tous les vents marins.
Des voyageurs ont dit que dans sa vieille enceinte
Provins rappelle aux yeux Jérusalem la sainte.
Voilà pourquoi sans doute, infidèle au Jourdain,
La fleur qu’y moissonna le comte paladin,
Cessant de grelotter loin du soleil d’Asie,
Comme au fleuve natal se mire à la Voulzie.
Là, quand le vent du soir gémit, on croit encor
Sur quelque pont-levis ouïr le son du cor,
Ou descendre, furtifs, des créneaux dans les plaines,
Les appels amoureux des dames châtelaines ;
Là, quand dans les roseaux il chante comme un luth,
Le passant rêve et dit : Comte Thibaut, salut !
Et, si vous ignorez quel savant artifice
Des temps qui ne sont plus restaure l’édifice,
Vous interrogerez l’ermite qui, souvent,