Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/159

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P L I S T H È N E.

Ah ! Seigneur, puis-je voir votre cœur aujourd’hui
Deſcendre à des détours ſi peu dignes de lui ?
Non, par de feints ſerments je ne crois point qu’Atrée
Ait pu braver des dieux la majeſté ſacrée,
Se jouer de la foi des crédules humains,
Violer en un jour tous les droits les plus ſaints.
Enchanté d’une paix ſi longtemps attendue,
Je vous louais déjà de nous l’avoir rendue ;
Et je m’applaudiſſais, dans des moments ſi doux,
D’avoir pu d’un héros déſarmer le courroux.
J’admirais un grand cœur au milieu de l’offenſe,
Qui, maître de punir, mépriſait la vengeance.
Thyeſte eſt criminel, voulez-vous l’être auſſi ?
Sont-ce là vos ſerments ? Pardonnez-vous ainſi ?

A T R É E.

Qui ! Moi, lui pardonner ! Les fières Euménides
Du ſang des malheureux ſont cent fois moins avides,
Et leur farouche aſpect inſpire moins d’horreur
Que Thyeſte aujourd’hui n’en inſpire à mon cœur.
Quels que ſoient mes ſerments, trop de fureur m’anime.
Perfide, il te ſied bien d’oſer m’en faire un crime !
Laiſſe là ces ſerments ; ſi j’ai pu les trahir,
C’eſt au ciel d’en juger, à toi de m’obéir.
Dans un fils qui faiſait ma plus chère eſpérance
Je ne vois qu’un ingrat qui trahit ma vengeance.
Pliſthène eſt un héros, ſon père eſt outragé ;
Il a de la valeur, je ne ſuis pas vengé !