Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ah ! Ne me force point, dans ma fureur extrême,
Que ſais-je ? Hélas ! peut-être à t’immoler toi-même !
Car enfin, puiſqu’il faut du ſang à ma fureur,
Malheur à qui trahit les tranſports de mon cœur !

P L I S T H È N E.

Verſez le ſang d’un fils, s’il peut vous ſatisfaire ;
Mais n’en attendez rien à ſa vertu contraire.
S’il faut voir votre affront par un crime effacé,
Je ne me ſouviens plus qu’on vous ait offenſé ;
Oui, ſeigneur ; & ma main, loin d’être meurtrière,
Défendra contre vous les jours de votre frère.
Seconder vos fureurs, ce ſerait vous trahir :
Votre gloire m’engage à vous déſobéir.

A T R É E.

Enfin j’ouvre les yeux : ta lâcheté, perfide,
Ne me fait que trop voir l’intérêt qui te guide.
Tu trahis pour Thyeſte & les dieux & ta foi ;
Ce n’eſt pas d’aujourd’hui qu’il eſt connu de toi.
Oſe encor me jurer que pour Théodamie
Ton cœur ne brûle point d’une flamme ennemie.

P L I S T H È N E.

Ah ! Si c’eſt là trahir mon devoir & ma foi,
Non, jamais on ne fut plus coupable que moi.
Oui, ſeigneur, il eſt vrai, la princeſſe m’eſt chère ;
Jugez ſi c’eſt à moi d’aſſassiner ſon père.