Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/19

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connu parfaitement les beautés de la Tragédie, & que j’ai mieux que qui que ce ſoit, ſenti mes défauts. Ai-je atteint ce que j’ai ſi parfaitement connu ? me ſuis-je corrigé de ce que j’ai ſi bien ſenti ? Je n’ai pû me garantir d’un vice qui nous eſt commun à tous, & qui eſt la véritable ſource de nos dérèglemens poëtiques, je veux dire l’impatience, quelquefois l’entêtement, & encore plus ſouvent l’orgueil ; l’impatience n’eſt pas tout-à-fait ſans fondement, un Auteur qui a fait choix d’un ſujet, & qui s’eſt cru obligé de le communiquer, ainſi que ſes idées, craint qu’on ne le lui vole, & à la honte des Lettres, ces ſortes de larcins ne ſont que trop familiers, du moins ſi l’on s’en rapporte à ceux qui revendiquent ce qu’on leur a pris. Mais ces craintes doivent-elles l’emporter ſur ce que nous devons au public, & ſur ce que nous nous devons à nous-mêmes, & nous engager à précipiter nos compoſitions ? il vaut mieux encore être pillés que ſifflés. Il n’y a pas un défaut dans nos plans dont nous ne ſoyons frappés les premiers ; mais après les avoir bien diſcutés nous ne ſongeons ſouvent qu’à nous les juſtifier, flattés du