Page:Œuvres de Schiller, Histoire I, 1860.djvu/413

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la vérité ?), plus je dois être attentif à ce que la valeur de ce don ne diminue pas en passant par mes mains. Plus l’esprit, à votre âge, à cette époque d’activité heureuse entre toutes, conçoit les choses vivement et purement, et plus vos sentiments juvéniles sont prompt à s’enflammer, plus je dois me faire une loi de veiller à ce que cet enthousiasme, que la vérité seule doit exciter, vous ne le prodiguiez pas indignement à l’imposture et à l’erreur.

Le domaine de l’histoire est vaste et fécond:il embrasse tout le monde moral. Elle accompagne l’homme à travers toutes les situations où il s’est vu placé, toutes les formes successives de ses opinions, sa folie et sa sagesse, sa décadence et son progrès; il faut qu’elle nous rende compte de tout ce dont il s’est appauvri et enrichi. Il n’est personne parmi vous à qui l’histoire n’ait quelque chose d’important à dire:toutes vos carrières, quelque différentes que puissent être vos futures vocations, touchent par quelque point à l’histoire ; mais il est une vocation qui vous est commune à tous tant que vous êtes, que vous avez apporté au monde en naissant, celle de vous développer et de vous former comme homme, et c’est à l’homme que parle l’histoire.

Mais, avant que je puisse, messieurs, entreprendre de déterminer exactement ce que vous devez attendre de cet objet de votre application, et d’indiquer les rapports qui le rattachent au but principal et commun de vos études si diverses, il ne sera pas inutile que préalablement je m’étende avec vous sur ce but lui-même. L’éclaircissement préliminaire de cette question, laquelle me paraît bien choisie pour ouvrir dignement nos futures relations universitaires, me mettra en état de diriger aussitôt votre attention sur le côté le plus noble de l’histoire universelle.

Autre est le plan d’étude que se trace le savant dont la science est le gagne-pain, autre celui du philosophe. Le premier, qui, dans ses travaux, n’a absolument d’autre but que de satisfaire aux conditions qui peuvent le rendre capable de gérer un emploi et de jouir des avantages qui y sont attachés; le savant qui n’exerce les forces de son esprit que pour améliorer par là sa situation matérielle et contenter une chétive ambition : celui-là,