et de rétablir le lien qui l’unit aux autres sciences. Je dis rétablir, car ce n’est que l’intelligence qui, par abstraction, a tracé ces limites et détaché les sciences les unes des autres. Là où le savant de profession sépare, l’esprit philosophique réunit. Il s’est convaincu de bonne heure que, dans le domaine de l’intelligence, comme dans le domaine des sciences, tout s’enchaîne, et son aspiration, toujours éveillée, à l’accord et à l’harmonie ne peut se contenter de fragments. Tous ses efforts visent à compléter sa science ; sa généreuse impatience n’a point de repos jusqu’à ce qu’il se trouve placé au centre de son art, de sa science, et que de là il en embrasse tout le domaine d’un œil satisfait. Les découvertes nouvelles dans la sphère de son activité, qui accablent le savant de profession, ravissent l’esprit philosophique. Peut-être combleront-elles une lacune qui déparait encore l’ensemble, en voie de se former, de ses notions ; peut-être mettront-elles à l’édifice de ses idées la dernière pierre, la pierre qui manque encore pour l’achever. Mais, quand elles devraient ruiner cet édifice ; quand un nouvel ordre de pensée, un nouveau phénomène de la nature, une loi, nouvellement trouvée, du monde des corps, devrait renverser toute la structure de sa science : eh bien ! Il a toujours aimé la vérité plus que son système, et il échangera volontiers l’ancienne forme défectueuse contre une forme nouvelle et plus belle. Oui, si même aucun coup du dehors n’ébranle l’échafaudage de ses idées, il est lui-même dominé par un instinct éternellement actif d’amélioration, il est le premier à défaire un ensemble qui ne le satisfait pas, pour le reconstruire plus parfait. A travers une succession de formes toujours nouvelles, toujours plus belles, l’esprit philosophique marche à une perfection plus haute, tandis que le savant de profession, dans son éternelle immobilité d’esprit, veille sur la stérile uniformité des notions qu’il a emportées de l’école.
Il n’y a point de juge plus équitable du mérite d’autrui que le philosophe. Assez pénétrant, assez inventif pour mettre à profit toute activité, il est en même temps assez juste pour honorer, si petite qu’elle soit, celle qui l’exerce. Toutes les têtes travaillent pour lui ; toutes elles travaillent contre le savant de