Les découvertes que nos navigateurs européens ont faites dans les mers lointaines et sur les plages reculées nous offrent un spectacle aussi instructif qu’intéressant ; Elles nous montrent des peuplades, qui, aux degrés les plus divers de culture, sont établies autour de nous, comme des enfants de différents âges entourent un adulte et lui rappellent, par leur exemple, ce qu’il fut autrefois et de quel point il est parti. Une main sage paraît nous avoir gardé à dessein ces tribus grossières, jusqu’à une époque où nous fussions assez avancés dans notre propre culture pour faire à nous-mêmes une utile application de cette découverte, et restituer d’après ce miroir le commencement perdu de notre histoire. Mais qu’il est humiliant et triste, le tableau que ces peuples nous présentent de notre enfance ! Et pourtant ce n’est pas au premier degré que nous les voyons. L’Homme a eu un début encore plus méprisable. Nous trouvons ceux-ci formant déjà des peuples, des cours politiques : or, il a fallu à l’homme des efforts extraordinaires pour s’élever à l’état de société politique.
Mais qu’est-ce que les voyageurs nous racontent de ces sauvages ? Ils en trouvèrent maintes fois qui n’avaient nulle connaissance des arts les plus indispensables, sans fer, sans charrue, quelques-uns même privés du feu. Il y en avait qui disputaient encore aux bêtes sauvages leur nourriture et leur habitation ; chez un grand nombre, c’était à peine si le langage s’était élevé des sons inarticulés de la bête aux accents inintelligibles. Ici n’existait pas encore le lien si simple du mariage ; là, nulle notion de la propriété ; ici, l’âme, sans ressort, ne pouvait pas même retenir une expérience qu’elle renouvelait pourtant chaque jour : on voyait le sauvage abandonner, insouciant, le gîte où il avait dormi cette nuit, parce que l’idée ne lui venait pas qu’il dormirait de nouveau le lendemain. Mais chez tous était la guerre, et il n’était pas rare que la chair de l’ennemi vaincu fut le prix de la victoire. Chez d’autres, qui, familiarisés avec plus de commodités de la vie, étaient déjà montés à un plus haut degré de culture, l’esclavage et le despotisme offraient un spectacle affreux. Là, on voyait un despote africain vendre ses sujets pour une gorgée d’eau-de-vie ; ici, on les immolait sur sa tombe, pour le servir dans l’autre monde. Là, une pieuse