Page:Œuvres de Schiller, Histoire I, 1860.djvu/420

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lois. Il a échappé à l’aveugle contrainte du hasard et de la nécessité pour se réfugier sous l’empire plus doux des contrats, et il a sacrifié la liberté de la bête de proie pour s’assurer la liberté plus noble de l’homme. Ses soins se sont distribués, son activité s’est partagée d’une façon salutaire. Maintenant, le besoin impérieux ne l’enchaîne plus à la charrue ; l’ennemi ne l’appelle plus de la charrue au champ de bataille pour défendre sa patrie et son foyer. Par le bras du cultivateur, il remplit ses greniers ; par les armes du guerrier il protège son domaine. La loi veille sur sa propriété, et il garde le droit inappréciable de choisir lui-même son devoir.

Combien de créations de l’art, combien de prodiges de l’industrie, quelles lumières dans tous les domaines de la science, depuis que l’homme ne consume plus sans profit ses forces dans la triste défense de sa personne ; depuis qu’il dépend de lui de transiger avec la nécessité, à laquelle, il ne dois jamais se soustraire entièrement ; depuis qu’il a conquis le précieux privilège de disposer librement de son aptitude et de suivre l’appel de son génie ! Quelle vive activité partout, depuis que la multiplication des désirs a donné de nouvelles ailes à l’esprit d’invention et ouvert de nouveaux espaces à l’industrie ! Les barrières qui isolaient les États et les nations dans un hostile égoïsme sont rompues. Toutes les têtes pensantes sont unies maintenant par un lien cosmopolite, et désormais l’esprit d’un Galilée ou d’un Erasme moderne peut s’éclairer de toutes les lumières de son siècle.

Depuis que les lois sont descendues au niveau de la faiblesse de l’homme, l’homme aussi est venu au-devant des lois. Avec elles, il est devenu plus doux, comme avec elles il était devenu féroce : à la suite des châtiments barbares, les crimes barbares tombent peu à peu dans l’oubli. Un grand pas est fait vers l’ennoblissement de l’humanité quand les lois sont vertueuses, lors même que les hommes ne le sont pas encore. Là où les devoirs forcés ne s’imposent plus à l’homme, les mœurs le soumettent à leur empire ? Celui que nul châtiment n’effraye, et que la conscience ne tyrannise point, est aujourd’hui contenu dans les bornes par les lois de la bienséance et de l’honneur.

Jusque dans notre siècle, il est vrai, se sont glissés, des siècles