précédents, maints restes de barbarie, enfant du hasard et de la violence, que l’âge de la raison ne devrait pas éterniser. Mais avec quelle sagesse l’intelligence de l’homme n’a-t-elle pas su diriger vers une fin utile, même cet héritage barbare de l’antiquité et du moyen-âge ! Combien n’a t’il pas rendu inoffensif et souvent même salutaire ce qu’il ne pouvait encore se hasarder à détruire ! Sur la base grossière de l’anarchie féodale a élevé l’édifice de sa liberté politique et ecclésiastique. Le simulacre d’empereur romain, qui s’est conservé en-deçà des Apennins, fait aujourd’hui au monde infiniment plus de bien que son redoutable prototype dans l’ancienne Rome ; car il maintient uni par la concorde un utile système d’États, tandis que l’autre comprimait les forces les plus actives de l’humanité dans une servile uniformité. Notre religion même, altérée à un tel point par les infidèles mains qui nous l’ont transmise, qui peut méconnaître en elle l’influence ennoblissante d’une philosophie meilleure ? Nos Leibniz et nos Locke ont aussi bien mérité du dogme et de la morale du christianisme, que le pinceau d’un Raphaël et d’un Corrège de l’histoire sainte.
Enfin, nos États, avec quelle intimité, avec quel art ne sont-ils pas liés entre eux ! Combien leur fraternité n’est-elle pas rendue plus durable par la salutaire contrainte de la nécessité, qu’autrefois par les traités les plus solennels ! Maintenant la guerre, toujours armée, veille sur la paix, et l’intérêt propre d’un État l’établit gardien de la prospérité d’un autre. La société politique européenne semble être changée en une grande famille, dont les membres pourront encore se quereller, mais non plus, espérons-le, se déchirer et se dévorer.
Quels tableaux opposés ! Qui pourrait soupçonner que, dans l’européen raffiné du 18ème siècle, il ne voit qu’un frère plus avancé du Canadien moderne ou de l’antique Celte ? Toutes ces aptitudes, tous ces instincts d’art, toutes ces expériences, toutes ces créations de la raison, ont été, dans l’espace de peu de milliers d’années, semés et développés dans l’homme ; toutes