nous soyons
trouvés réunis comme chrétiens, il a fallu que cette religion, préparée par d’innombrables révolutions, sortît du judaïsme ; qu’elle trouvât l’empire romain précisément dans l’état où il était alors, afin de se répandre, d’une course rapide et victorieuse, sur la face de la terre, et monter enfin sur le trône même des Césars. Il a fallu que nos rudes ancêtres, dans les forêts de la Thuringe, succombassent à la force supérieure des Francs, pour adopter leur croyance. Il a fallu que le clergé, séduit et favorisé par ses richesses croissantes, par l’ignorance des peuples et la faiblesse de ceux qui les gouvernaient, se laissât entraîner à abuser de son crédit et à convertir en glaive temporel le paisible pouvoir qu’il avait sur les consciences. Il a fallu que la puissance hiérarchique, dans la personne d’un Grégoire et d’un Innocent, épuisât toutes ses rigueurs sur la race humaine ; que la corruption toujours croissante des mœurs et le scandale criant du despotisme ecclésiastique, excitassent un moine augustin intrépide à donner le signal de la défection et à enlever une moitié de l’Europe au pontife romain, pour que nous pussions nous réunir ici comme chrétiens protestants. Pour que cela dût arriver, il était nécessaire que les armes de nos princes arrachassent à Charles-Quint une paix religieuse ; qu’un Gustave-Adolphe vengeât la violation de cette paix ; qu’une nouvelle paix générale affermît pour des siècles la première. Il fallait que des villes s’élevassent en Italie et en Allemagne, qu’elles ouvrissent leurs portes à l’industrie, qu’elles brisassent les chaînes du servage, qu’elles luttassent pour ôter à des tyrans ignorants le sceptre de la justice, et qu’elles se fissent respecter en formant une hanse guerrière, pour que le commerce et l’industrie dussent fleurir, l’abondance faire appel aux arts de la joie ; pour que l’État honorât l’utile agriculteur, et que dans le bienfaisant tiers état, le vrai créateur de toute notre civilisation, naquît et se développât pour l’humanité une prospérité durable. Les empereurs d’Allemagne ont dû s’affaiblir dans des guerres séculaires contre les papes, contre leurs vassaux, contre des voisins jaloux ; l’Europe se décharger de son dangereux superflu de population dans les tombeaux d’Asie, et une insolente noblesse féodale perdre avec son sang, dans l’exercice meurtrier du droit du plus fort, dans les expéditions