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Page:Œuvres de Schiller, Histoire I, 1860.djvu/424

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romaines, dans les croisades, son esprit de révolte, pour que le chaos confus se débrouillât, que les forces hostiles de l’État reposassent dans cet heureux équilibre dont noire loisir actuel est le prix. Pour que notre esprit se dégageât de l’ignorance où la contrainte spirituelle et temporelle le tenait enchaîné, il fallut que le germe, longtemps étouffé, de l’érudition perçât de nouveau parmi ses plus furieux persécuteurs, et qu’un Al-Mamoun dédommageât les sciences du vol dont un Omar les avait rendues victimes. Il fallut que l’insupportable misère de la barbarie poussât nos ancêtres, des sanglants jugements de Dieu, aux tribunaux humains ; que des contagions dévastatrices rap pelassent à l’observation de la nature la médacine égarée ; que l’oisiveté des moines préparât de loin une compensation au mal que créait leur activité, et que la diligence profane des cloîtres conservât jusqu’au temps de l’invention de l’imprimerie les débris des monuments ravagés du siècle d’Auguste. L’esprit déprimé des barbares du Nord a dû se relever à la vue des grands modèles frecs et romains, et l’érudition faire alliance avec les Muses et les Grâces, pour qu’elle pût trouver le chemin du cœur, et mériter le nom de civilisatrice. Mais la Grèce eût-elle produit un Thucydide, un Platon, un Aristote ; Rome un Horace, un Cicéron, un Virgile, un Tite Live, si ces deux États n’étaient montés à cette hauteur de prospérité politique qu’ils ont réellement atteinte ? en un mot, si toute leur histoire n’eût précédé ? Que d’inventions, de découvertes, de révolutions politiques et ecclésiastiques ont dû coïncider, pour faire croître et répandre ces nouveaux germes encore délicats de la science et de l’art ! Que de guerres, que de traités conclus, rompus, puis reconclus, pour amener enfin l’Europe à ce principe de paix qui seul permet aux États comme aux citoyens de diriger leur attention sur eux-mêmes, et de réunir leurs forces pour tendre à une fin sage !

Même dans les occupations les plus quotidiennes de la vie civile, nous ne pouvons éviter de devenir les débiteurs des siècles précédents. Les périodes les plus dissemblables de l’humanité contribuent à notre culture, comme les parties du monde les plus éloignées à notre luxe. Les habits que nous portons, les assaisonnements de nos mets, la monnaie avec laquelle