dement comme les flots de la mer, les gradins, en arcs de plus en plus ouverts, montent, fourmillant d’hommes, jusqu’à l’azur des cieux.
Qui peut compter, qui peut nommer les peuples que l’hospitalité rassemble en ce lieu ? Ils sont venus de la ville de Cécrops[1], du rivage d’Aulis, de la Phocide, du pays des Spartiates, des côtes lointaines de l’Asie, de toutes les îles ; et, de l’estrade où ils siégent, ils écoutent l’affreuse mélodie du chœur.
Qui, grave et austère, selon l’antique usage, sort du fond de la scène, d’un pas lent et mesuré, et fait le tour du théâtre. Ce n’est point ainsi que marchent des femmes terrestres ; elles ne sont pas filles d’une race mortelle ! Leur taille gigantesque s’élève bien au-dessus des proportions humaines.
Un manteau noir bat leurs flancs ; elles agitent dans leurs mains décharnées la lueur rouge-sombre des torches ; dans leurs joues il ne coule point de sang, et là où les cheveux ondoient gracieusement et voltigent avec charme autour des fronts mortels, on voit ici des serpents et des vipères gonfler leurs ventres gros de venin.
Et tournées en cercle, elles entonnent le mode effrayant de l’hymne qui pénètre et déchire le cœur, et serre autour du coupable[2] les liens du remords. Aliénant le sens, égarant le cœur, le chant des Furies éclate : il éclate, consumant l’auditeur jusqu’à la moelle de ses os, et ne souffre pas les accords de la lyre :
« Heureux qui, exempt de faute et d’erreur, conserve son âme naïve et pure ! Nous ne pouvons approcher de lui nos mains vengeresses ; il suit librement le chemin de la vie. Mais malheur, malheur à qui commit dans l’ombre l’œuvre impie de l’homicide ! Nous nous attachons à ses pas, nous les filles terribles de la Nuit.