Aller au contenu

Page:Œuvres de Schiller, Poésies, 1859.djvu/245

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le retenir dans son sein ; mais c’est en vain : l’effrayante pâleur de leurs lèvres trahit aussitôt les deux complices. On les arrache de leur place, on les traîne devant le juge ; la scène est transformée en tribunal, et les scélérats font l’aveu de leur crime, atteints des foudres de la Vengeance.


L’ANNEAU DE POLYCRATE[1]


Debout sur la terrasse de son palais, Il promenait avec satis­faction ses regards Sur Samos soumise à ses lois. « Tout cela m’appartient, dit-il au roi d’Égypte, avoue que je suis heureux ! »

— Tu as éprouvé la faveur des dieux ! Ceux qui jadis furent tes égaux, maintenant plient sous la puissance de ton sceptre. L’un d’eux cependant vit encore pour les venger ; ma bouche ne peut te proclamer heureux, tant que l’œil de l’ennemi veille. »

Avant même que le roi eût fini, un messager envoyé de Milet se présente devant le tyran : « Seigneur, fais monter au ciel la fumée du sacrifice, et que le riant feuillage du laurier couronne tes cheveux en signe d’allégresse !

« Ton ennemi est tombé, percé d’un javelot. C'est Polydore, ton fidèle général, qui m’envoie vers toi avec cette joyeuse nouvelle. » Il dit, et à l’effroi des deux princes, il tire, encore san­glante, d’un noir bassin une tête bien connue.

Le roi recule avec horreur : « Crois-moi pourtant, ne te fie

  1. Composé en 1797, comme nous l’apprenons par une lettre de Schiller à Goethe du 23 juin de cette année, et inséré dans l’Almanach des Muses de 1798.