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Page:Œuvres de Schiller, Poésies, 1859.djvu/249

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POÉSIES DÉTACHÉES. LE PLONGEUR1. « Qui de vous osera, chevalier ou varlet, plonger dans ce gouffre ? J’y jette une coupe d’or ; déjà la noire gueule l’a engloutie. Si quelqu’un me peut rapporter la coupe, qu’il la garde : elle est à lui. » Le roi dit, et du haut de la roche qui, roide et escarpée, s’avance suspendue sur la mer immense , il jette la coupe dans les hurlements de Charybde : « Qui aura le cœur, je le demande encore, de plonger dans ces profondeurs ? » Les chevaliers , les varlets , autour de lui , l’entendent et gardent le silence. Leurs regards plongent dans la mer en furie ; pas un ne veut gagner la coupe, et, pour la troisième fois, le roi demande encore : « n’est-il personne qui se risque à descendre ? » Mais, comme avant, tout demeure muet, quand un page, d’un air doux et hardi, sort de la foule timide des varlets, et jette loin de lui sa ceinture, son manteau. Toute l’assemblée, hommes et femmes, contemple, étonnée, le noble jeune homme. Et comme il s’avance au bord du roc qui surplombe, et plonge ses regards dans l’abîme, Charybde, à cet instant même, revomit en rugissant les eaux qu’elle avait englouties, et, avec le fracas du tonnerre lointain, elles s’élancent, écumantes , de son sein ténébreux. 1. De 1797. — Almanaeh des Mines de 1798.