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Page:Œuvres de Schiller, Poésies, 1859.djvu/248

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218 POÉSIES DÉTACHÉES. Cependant, où est la force de ses poings, le souffle de son haleine, qui naguère encore faisait monter vers le Grand Esprit la fumée du calumet 1 ? Où sont ces yeux , perçants comme les yeux du faucon , qui comptaient les traces du renne sur les vagues de l’herbe, sur la rosée des champs ? Et ces jambes qui volaient sur la neige , plus vite que le cerf de vingt cors et le chevreuil de la montagne ? Ces bras qui bandaient l’arc roide et fort ? Voyez la vie s’est envolée ; voyez, ils pendent inertes. Il est heureux, il est allé où il n’y a plus de neige ; où le maïs, poussant de lui-même, dore les champs ; Où tout buisson est gaiement peuplé d’oiseaux , la forêt de gibier, tout étang de poissons. Il se repaît là-haut avec les esprits ; il nous a laissés seuls ici pour louer ses hauts faits, et déposer son corps dans la terre. Apportez les derniers dons ; entonnez la plainte funèbre. Qu’on enterre avec lui tout ce qui peut le réjouir. Mettez-lui sous la tête les haches qu’il brandissait vaillamment, et de plus ce gros jambon d’ours, car le chemin est long ; Et encore ce couteau bien affilé qui, en trois coups habiles , enlevait de la tête d’un ennemi la peau et les cheveux en touffe. Mettez-lui aussi dans la main ces couleurs pour peindre le corps, afin qu’il brille d’un beau rouge dans le pays des âmes. 1. Chez diverses nations de l’Amérique, l’action de fumer était une cérémonie religieuse et le tabac une sorte d’encens.