Page:Œuvres de Schiller, Poésies, 1859.djvu/263

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de lui vient Philostrate, le fidèle gardien de sa maison, qui, hors de lui, reconnaît son maître :

« Fuis ! tu ne sauverais plus ton ami, sauve du moins tes propres jours ! En ce moment il subit la mort. D’heure en heure, il attendait ton retour, le cœur plein d’espoir, et les railleries du tyran ne pouvaient lui ravir sa foi courageuse. »

— Et s’il est trop tard, si je ne puis lui apparaître comme le sauveur attendu, du moins que la mort me réunisse à lui ! Je ne veux pas qu’il se vante, le tyran sanguinaire, d’avoir vu l’ami trahir son ami. Qu’il immole deux victimes, et qu’il croie à l’amour, à la foi ! »

Le soleil se couche, quand il arrive à la porte de la ville, et voit la croix déjà dressée, que la foule entoure bouche béante. Déjà on soulève son ami, attaché à la corde fatale : à cette vue, il fend violemment la troupe épaisse : « À moi, bourreaux, s’écrie-t-il, à moi de périr de votre main ; me voici, moi, pour qui il a répondu ! »

Le peuple, alentour, est saisi de stupeur ; les deux amis sont dans les bras l’un de l’autre, et ils pleurent de douleur et de joie ; on ne voit nul œil vide de larmes. Et l’on porte au roi la nouvelle merveilleuse ; il est ému d’un sentiment humain et les fait amener aussitôt devant son trône.

Longtemps il les regarde avec surprise, puis il dit : « Vous avez réussi, vous avez subjugué mon cœur ! La fidélité n’est donc pas une vaine illusion ! Eh bien ! adoptez-moi aussi comme un des vôtres ; que j’entre, accordez-moi ma demande, en tiers dans votre union. »