Page:Œuvres de Schiller, Poésies, 1859.djvu/262

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l’inquiétude l’entraîne, il prend courage et se jette dans les flots mugissants ; il fend le courant d’un bras vigoureux et un dieu a pitié de lui.

Il atteint le rivage et s’éloigne à la hâte, en rendant grâce au Dieu qui le sauve, quand, du lieu le plus sombre de la forêt, une bande de brigands s’élance, et lui barre le chemin : respi­rant le meurtre, ils arrêtent la course rapide du voyageur, en brandissant avec menace leurs massues.

« Que voulez-vous ? s’écrie-t-il pâle de frayeur ; je n’ai rien que ma vie, et il faut que je la donne au roi ! » II dit et arrache sa massue au plus proche : « Au nom de mon ami, ayez pitié de moi ! » Et sous ses coups terribles trois d’entre eux mordent la poussière ; les autres prennent la fuite.

Cependant, le soleil darde ses flammes brûlantes ; épuisé par la fatigue infinie, il sent plier ses genoux : « Oh ! ta bonté propice m’a-t-elle sauvé de la main des brigands, arraché aux ilôts, rendu au sol sacré de la patrie, pour qu’ici je périsse dévoré par la soif, et que mon ami meure, mon ami dévoué ? »

Mais écoutez ! tout près de lui résonne un bruit clair, argen­tin, comme le murmure d’une eau qui ruisselle ; il s’arrête, il prête l’oreille ; et, voyez ! du rocher jaillit une source vive et rapide, qui doucement gazouille. Ivre de joie, il se baisse et rafraîchit ses membres brûlants.

Déjà le soleil perce le vert feuillage des branches, et dessine, sur les brillantes prairies, les ombres gigantesques des arbres. Il aperçoit deux voyageurs qui suivent la route ; il les veut devancer d’une course rapide, quand il les entend prononcer ces mots : « C’est à présent qu’on l’attache à la croix.

Son angoisse donne des ailes à ses pieds agiles, les tourments de la crainte le poussent. Déjà, dans les rayons de la pourpre du soir, les créneaux de Syracuse brillent de loin, et au-devant