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Page:Œuvres de Schiller, Poésies, 1859.djvu/343

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qui ordonne en bel ensemble de danse les bonds désordonnés ; qui, pareil à Némésis[1], dirige avec le frein d’or du rythme la bruyante allégresse, et apprivoise sa fougue.

Et c’est en vain que pour toi retentissent les harmonies de l’univers ? Le torrent de ce sublime concert ne te saisit-il pas ? ni la cadence ravissante que tous les êtres te marquent ? ni le tourbillon de la danse qui, à travers l’éternel espace, lance de brillants soleils dans les routes hardiment entrelacées ? Ce que tu respectes pourtant dans le jeu, tu le fuis dans l’action : la mesure !


PLAINTE DE CÉRÈS[2].

L’aimable printemps a-t-il paru ? La terre s’est-elle rajeunie ? Les collines verdissent au soleil, et l’écorce de glace se brise. Dans le bleu miroir des fleuves Jupiter[3] sourit sans nuages ; les ailes du zéphyr s’agitent plus doucement ; les jeunes branches poussent des bourgeons. Les chants s’éveillent dans le bocage, et l’Oréade me dit : « Tes fleurs reviennent ; ta fille ne revient pas. »

Ah ! qu’il y a longtemps que j’erre, la cherchant ici-bas, à tra vers les campagnes ! Titan, j’ai envoyé tous tes rayons à la dé couverte de cette trace chérie : nul encore ne m’a donné des nou velles de ses traits bien-aimés ; et le Jour, qui trouve tout, n’a point trouvé celle que j’ai perdue. Ô Jupiter, me l’as-tu ravie ? Touché de ses charmes, Pluton l’a-t-il entraînée aux sombres fleuves des enfers ?

  1. Déesse de la juste mesure et de la répression, ennemie de tout excès et de tout désordre.
  2. Ce poème, qui fut d’abord inséré dans l’Almanach des Muses de 1797, paraît être du mois de juin 1796.
  3. Personnification de l’air et du ciel.