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Page:Œuvres de Schiller, Poésies, 1859.djvu/448

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beauté, toute grandeur, toutes les couleurs, tous les tons de la vie, et il ne nous est resté que la parole inanimée. Arrachés au déluge du temps, ils flottent, sauvés du naufrage, sur les hauteurs du Pinde : ce qui doit vivre immortel dans les chants des poètes, est condamné à périr dans la vie réelle.


LES ARTISTES[1]


Ô homme ! que tu es beau, ta palme de victoire à la main, debout sur la pente du siècle, dans ta noble et fière virilité, le sens ouvert, l’esprit fécond, plein d’une douce gravité, dans un calme actif, homme, fils du temps et son fruit le plus mûr, libre par la raison, fort par les lois, grand par la mansuétude, et riche des trésors que ton sein longtemps te cacha, roi de la nature, qui aime tes chaînes, qui exerce ta force en cent combats, et qui, sous ton empire, s’éleva radieuse du sein de la barbarie !

Enivré du triomphe que tu as conquis, ne désapprends pas à

  1. Ce poème didactique, commencé à Rudolstadt, dans l’automne de 1788, et fini à Weimar en 1789, fut d’abord publié dans le Mercure allemand. C’est, pour le fond comme pour la forme, une pièce très-remarquable, et les critiques d’outre-Rhin ont raison de la vanter pour la manière dont le sujet y est conçu, développé et rendu. Elle a cependant, si je ne me trompe, un défaut : c’est de demander pour être comprise trop d’attention et d’étude, trop de connaissance de certaines idées particulières de philosophie dont l’auteur était alors occupé. La traduction pourra paraître obscure en maint endroit ; mais pour lui donner cette clarté transparente qui manque également à l’original, comme le prouvent les interprétations qu’on a cru devoir en publier même en Allemagne, il eût fallu paraphraser en lieu de traduire et ôter au poème, avec sa concision et la hardiesse des images dont les abstractions y sont revêtues, le caractère qui le distingue et en fait surtout le mérite. Traduire, ce n’est pas commenter, et une traduction ne doit pas prétendre à plus de clarté que l’original.