Page:Œuvres de Schiller, Poésies, 1859.djvu/449

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bénir la main qui, sur la rive inculte de la vie, trouva l’orphelin pleurant, délaissé, jouet des fougueux caprices du sort ; la main qui de bonne heure commença à diriger en silence ton jeune cœur vers la grandeur morale où il devait atteindre, et écarta de ton tendre sein la convoitise qui souille : ce guide bienfaisant qui forma, en jouant, ta jeunesse aux nobles devoirs, te fit deviner, dans de faciles énigmes, le secret de l’auguste vertu, et qui ne confia son favori à des bras étrangers, que pour l’y reprendre plus mûri… Ah ! ne descends pas, par d’indignes désirs, jusqu’à ses servantes avilies ! L’abeille peut, pour la diligence, te faire la leçon ; un ver te servira de maître pour l’habileté ; ta science, tu la partages avec des esprits supérieurs ; mais l’art, ô homme, toi seul tu le possèdes.

Ce n’est que par les portes du beau, portes de l’orient, que tu pénétras dans le champ de la connaissance. Pour s’habituer à un plus haut éclat, l’intelligence s’exerce sur ce qui charme et plait. Ce qui, aux accords de la lyre des Muses, te pénétra d’un doux frémissement, développa dans ton sein cette force qui finit par s’élever jusqu’à l’Esprit de l’univers.

Ce que la raison vieillissante n’a découvert qu’après des milliers d’ans écoulés, était enfermé dans le symbole du beau et du grand, qui le révélait d’avance à l’entendement encore enfant. L’aimable image de la vertu nous fit aimer la vertu même ; un sens délicat se révolta contre le vice, avant qu’un Solon eût écrit la loi qui produit lentement ses pâles fleurs. Bien avant qu’à l’esprit du penseur se présentât l’idée hardie de l’eternel espace… qui, dites-moi, leva les yeux vers la scène étoilée, sans deviner et sentir l’immensité ?

Celle qui, la face ceinte d’une auréole d’Orions, n’est contemplée, dans sa majesté sublime, que par de plus purs esprits que ceux d’ici-bas, qui s’avance éblouissante par delà les astres, emportée sur son trône radieux, la redoutable et souveraine Uranie… la voilà qui, déposant sa couronne de feu, se présente à nous… sous l’apparence de la beauté ! Enlacée de la ceinture de la Grâce, elle se fait enfant, pour que les enfants