le piége de ma vertu. Sur l’échafaud, ici, je la maudis ! Des pleurs, des pleurs dans les yeux du bourreau ? Vite le bandeau sur mes yeux ! Bourreau, ta main ne peut-elle rompre un lis ? Pâle bourreau, ne tremble pas !
À MINNA[1].
Est-ce que je rêve ? ma vue est-elle troublée ? un brouillard obscurcit-il mes yeux ? Ma Minna passe devant moi ? Ma Minna ne me connaît pas ? Celle qui, au bras de fous sans cervelle, gesticule, toute gonflée, avec son éventail, absorbée dans sa vanité… non ! ce n’est point ma Minna.
Sur son chapeau d’été flottent de superbes plumes, présent de ma main ; les rubans qui ornent sa poitrine lui crient : « Minna, souviens-toi ! » Des fleurs que j’ai cultivées moi-même, parent encore son sein et ses cheveux : son sein, hélas ! qui m’a menti ! et les fleurs sont fraîches encore !
Va, courtisée par de vains flatteurs qui voltigent autour de toi ! Va ! oublie-moi à jamais. Livrée à de vils hypocrites, femme coquette, je te méprise. Va ! pour toi, oui ! pour toi, un noble cœur a battu, mais un cœur assez grand pour porter la douleur d’avoir battu pour une folle.
C’est ta beauté qui a gâté ton cœur, c’est ton joli minois ! Rougis de honte ! demain son éclat s’éteindra, ses roses s’effeuilleront.
- ↑ En republiant ce poème, extrait de l’Anthologie, Schiller a substitué à un mot plus qu’énergique qui terminait la troisième strophe, l’expression adoucie de « folle, » sans parler de trois ou quatre autres petits changements sans importance.(