Page:Œuvres de Spinoza, trad. Appuhn, tome I.djvu/268

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perceptions confuses de choses existant dans la Nature ; par exemple quand les hommes se persuadent qu’il y a des divinités dans les forêts, les idoles, les bêtes, etc. ; qu’il y a des corps de la seule combinaison desquels l’entendement puisse naître ; que des cadavres raisonnent, se promènent, parlent ; que Dieu se trompe et autres erreurs semblables. Par contre, les idées qui sont claires et distinctes ne peuvent jamais être fausses ; car les idées des choses qui sont conçues clairement et distinctement sont ou bien parfaitement simples, ou bien composées des idées les plus simples, c’est-à-dire déduites des idées les plus simples. Que d’ailleurs une idée parfaitement simple ne peut pas être fausse, c’est ce que chacun pourra voir, pourvu qu’il sache ce qu’est le vrai, ou l’entendement et, en même temps, ce qu’est le faux.

(41) À l’égard, en effet, de ce qui constitue la forme du vrai, il est certain qu’une pensée vraie ne se distingue pas seulement d’une fausse par un caractère extrinsèque, mais principalement par un caractère intrinsèque. Si quelque ouvrier, par exemple, a conçu un ouvrage bien ordonné, encore que cet ouvrage n’ait jamais existé et ne doive jamais exister, la pensée ne laisse pas d’en être vraie, et cette pensée reste la même que cet ouvrage existe ou non. Au contraire si quelqu’un dit que Pierre, par exemple, existe, sans qu’il sache que Pierre existe, cette pensée est fausse en ce qui concerne celui qui la forme ou, si l’on préfère, n’est pas vraie, encore que Pierre existe réellement. Et cette énonciation : Pierre existe, n’est vraie qu’en ce qui concerne celui qui sait avec certitude que Pierre existe. D’où suit qu’il y a dans les idées quelque chose de réel par quoi les vraies se dis-