Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/294

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de Dieu n’a pas été égale chez tous les hommes, et que la sagesse, pas plus que la vie et l’existence, ne se donne à personne par un mandat ? Hommes, femmes, enfants, tout le monde peut également obéir, mais non pas devenir sage. Que si l’on prétend qu’il n’y a pas besoin à la vérité de connaître les attributs de Dieu, mais de croire tout simplement et sans démonstration, c’est là une véritable plaisanterie. Car les choses invisibles et tout ce qui est l’objet propre de l’entendement ne peuvent être aperçus autrement que par les yeux de la démonstration ; ceux donc à qui manquent ces démonstrations n’ont aucune connaissance de ces choses, et tout ce qu’ils en entendent dire ne frappe pas plus leur esprit ou ne contient pas plus de sens que les vains sons prononcés sans jugement et sans aucune intelligence par un automate ou un perroquet. Mais, avant d’aller plus loin, je suis obligé de dire pourquoi on trouve souvent dans la Genèse que les patriarches ont parlé au nom de Jéhovah, ce qui semble en complète opposition avec ce que j’ai déjà dit. En se rapportant aux explications du chapitre VIII, on pourra facilement tout concilier ; car nous avons fait voir que l’écrivain du Pentateuque ne donne pas précisément aux choses et aux lieux les noms qu’ils avaient au temps dont il parle, mais ceux sous lesquels ils étaient plus facilement connus du temps même de l’écrivain. Ainsi la Genèse dit que Dieu fut annoncé aux patriarches sous le nom de Jéhovah, non pas qu’il fût connu des anciens sous cette appellation, mais parce que ce nom était chez les Juifs en singulier honneur. Il faut donc nécessairement admettre cette explication, puisque dans notre texte de l’Exode il est dit expressément que les patriarches ne connurent pas Dieu sous ce nom ; et aussi puisque, dans l’Exode (chap. III, vers. 13), Moïse désire connaître le nom de Dieu. Et si ce nom eût été connu auparavant, Moïse, du moins, ne l’aurait pas ignoré. Concluons donc, comme nous le voulions, que les fidèles patriarches n’ont pas connu ce nom de Dieu, et que la connais-