Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/295

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sance de Dieu est un don et non pas un commandement.

Il est temps maintenant de passer au second point, savoir que Dieu ne demande aux hommes par l’entremise de ses prophètes d’autre connaissance de lui-même que celle de sa divine justice et de sa charité, c’est-à-dire de ceux de ses attributs que les hommes peuvent imiter en réglant leur vie par une certaine loi. Jérémie enseigne d’ailleurs cette doctrine en termes formels. Ainsi, au chapitre XXII, vers. 15, 16, en parlant du roi Josias, il s’exprime ainsi : Ton père a, il est vrai, bu et mangé, il a rendu justice et bon jugement, et alors il a prospéré ; il a rendu leur droit au pauvre et à l’indigent, et il a prospéré, car c’est vraiment là me connaître, a dit Jéhovah. Et les paroles qui se trouvent au chapitre IX, vers. 24, ne sont pas moins claires ; les voici : Que chacun se glorifie seulement de ce qu’il me comprend et me connaît, parce que, moi Jéhovah, j’établis la charité, le bon jugement et la justice sur la terre, car ce sont les choses dont je suis charmé, dit Jéhovah. Nous tirerons la même conclusion de l’Exode (chap. XXXIV, vers. 6, 7) où Dieu ne révèle à Moïse, qui désire le voir et le connaître, d’autres attributs que ceux qui manifestent sa divine justice et sa charité. Enfin c’est ici parfaitement le cas de citer cette expression de Jean (dont nous parlerons encore dans la suite), qui, se fondant sur ce que personne n’a vu Dieu, explique Dieu par sa seule charité, et conclut que c’est réellement posséder et connaître Dieu que d’avoir la charité. Nous voyons donc que Jérémie, Moïse, Jean ramènent à un petit nombre de points la connaissance que chacun doit avoir de Dieu, et ne la font consister qu’en ceci, comme nous le voulions, à savoir : que Dieu est souverainement juste et souverainement miséricordieux, c’est-à-dire qu’il est l’unique modèle de la véritable vie. Ajoutez à cela que l’Écriture ne donne expressément aucune définition de Dieu, qu’elle ne prescrit la connaissance d’aucun autre attribut que ceux que nous venons de désigner, et que ce sont les seuls qu’elle recommande positivement. De tout cela nous concluons