Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/352

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Polysperchon, qui partageait cependant le même avis. C’est que, comme dit Quinte-Curce, livre IV, chapitre 13, il n’osa pas faire de nouveaux reproches à Parménion, qu’il avait, peu de temps auparavant, réprimandé avec trop de violence. Et cette liberté des Macédoniens, qu’il redoutait tant, comme nous l’avons déjà dit, il ne put la plier sous le joug qu’après que les captifs entrés dans l’armée surpassèrent en nombre les Macédoniens. Alors il lâcha la bride à son humeur emportée, si longtemps contenue par la liberté des soldats ses concitoyens. Or si dans un État purement humain la liberté de soldats concitoyens retient ainsi des chefs qui ont coutume d’accaparer pour eux seuls l’honneur de la victoire, combien cette même liberté dut-elle être un frein plus puissant pour les chefs des Hébreux, dont les soldats combattaient, non pour la gloire du chef, mais pour la gloire de Dieu, et n’engageaient l’action que sur la réponse formelle de Dieu !

Ajoutez encore que les chefs des Hébreux étaient tous unis entre eux par le lien de la religion. Quelqu’un d’entre eux y était-il infidèle, et violait-il le droit divin d’un autre chef, par là même il pouvait être considéré comme ennemi, et les dernières extrémités contre lui étaient légitimes.

Ajoutez en troisième lieu la crainte de quelque nouveau prophète. Un homme d’une vie irréprochable prouvait-il par quelques signes qu’il était véritablement prophète, à lui appartenait le droit souverain de commander, tel que l’avait possédé Moïse, à qui Dieu se révélait directement, et non pas comme aux autres chefs, par l’intermédiaire du pontife. Or il n’est point douteux qu’un tel homme ne mît facilement dans son parti un peuple opprimé, et, à l’aide de quelques signes, ne disposât de sa confiance à son gré. Mais si l’État était bien administré, le chef pouvait à l’avance disposer les choses de telle sorte que le prophète dût d’abord se soumettre à son jugement, et qu’il lui appartînt d’examiner si sa vie