Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/353

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était irréprochable, si les signes qu’il donnait de sa mission étaient certains et incontestables, enfin, si ce qu’il venait annoncer au nom de Dieu était en harmonie avec la doctrine reçue, avec les lois générales de la patrie ; et dans le cas où les signes n’étaient pas assez manifestes, et où la doctrine était nouvelle, le chef avait le droit de condamner le prophète à mort. Mais quand le prophète était dans les intérêts du prince, il suffisait de l’autorité et du témoignage du chef de l’État pour le faire accepter au peuple.

Ajoutez, en quatrième lieu, que le chef ne l’emportait sur le reste du peuple ni par la noblesse, ni par le droit du sang, mais que c’était à son âge et à sa vertu qu’il devait d’administrer l’État.

Ajoutez enfin que, chef et armée, personne ne préférait la guerre à la paix. L’armée, en effet, comme nous l’avons déjà dit, ne recevait dans ses rangs que des citoyens, et c’étaient les mêmes hommes, dans la guerre comme dans la paix, qui avaient les affaires en main. Le même homme était soldat au camp, citoyen sur la place publique ; officier au camp, juge dans la cité ; commandant général au camp, chef suprême dans la ville. Aussi personne ne désirait-il la guerre pour la guerre, mais en vue de la paix, et dans le but de défendre la liberté. Même le chef, pour éviter d’aller consulter le souverain pontife, et de se tenir debout devant lui, par respect pour sa dignité, repoussait autant que possible toute situation nouvelle. Telles sont les raisons qui contenaient l’autorité des chefs dans de justes limites. Maintenant quelles sont celles qui retenaient le peuple ? elles ressortent avec évidence de la constitution fondamentale de l’État. Il suffit de l’examiner, même légèrement, pour se convaincre qu’elle dut nourrir dans l’esprit du peuple un singulier amour de la patrie, et lui rendre presque impossible la pensée d’une trahison ou d’une défection, mais que tous les Hébreux au contraire durent être disposés à tout souffrir plutôt que de se soumettre à la do-