Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/176

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XLII
Voici le fait : — la veille on jouait au théâtre
Le Don Juan de Mozart. Avec sa cour folâtre
De jeunes merveilleux, papillons de boudoir,
Dont quelque Staub De Leyde a découpé les ailes,
Véronique était là, le pôle des prunelles,
Coquetant dans sa loge et radieuse à voir.
— Les femmes sous leur fard pâlissaient de colère,
Et se mordaient la lèvre ; — elle, sûre de plaire,
Comme le paon sa queue, ouvrait son éventail,
Parlait, riait tout haut, laissait choir sa lorgnette,
Ôtait son gant, faisait sentir sa cassolette,
Ou chatoyer son riche émail.


XLIII
Les acteurs avaient beau s’évertuer en scène,
Filer les plus beaux sons, ils y perdaient leur peine.
— En vain Leporello pas à pas suivait Juan ;
En vain le commandeur faisait tonner ses bottes,
Zerline gazouillait jouant avec les notes,
Dona Anna pleurait. — Ils auraient bien un an
Continué ce jeu sans que l’on y prît garde :
— Le parterre est distrait, — l’on cause, l’on
Regarde, mais d’un autre côté ; — sous les binocles d’or
Braqués au même point le désir étincelle ;
Véronique sourit ; — le bonheur d’être belle
La fait dix fois plus belle encor.