Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/178

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XLVI
Celle qui, jusqu’alors comme la salamandre,
Froide au milieu des feux, daignait à peine rendre
Pour une passion un caprice en retour,
Et se faisait un jeu (c’est le plaisir des femmes)
De torturer les cœurs et de damner les âmes,
Celle qui sans pitié se jouait d’un amour,
Comme un enfant cruel de son hochet qu’il casse
Et rejette bien loin aussitôt qu’il le lasse,
Souffre aujourd’hui les maux qu’elle causait hier :
Elle faisait aimer, et maintenant elle aime !
L’oiseleur à la fin s’est englué lui-même ;
Il est vaincu ce cœur si fier !


XLVII
C’est le train de la vie et de la destinée ;
Quand au timbre fatal l’heure est enfin sonnée,
Nul ne peut retarder sa défaite d’un jour.
— Quelle vertu qu’on ait, ou qu’on fuie ou qu’on reste,
Tout cède à ce pouvoir infernal ou céleste :
On ne saurait tromper ni son sort ni l’amour.
— Amour, joie et fléau du monde, — douce peine,
Misère qu’on regrette et de charmes si pleine ;
— Rire qui touche aux pleurs, — souci pâle et charmant,
Mal que l’on veut avoir ; — paradis, — enfer, — songe
Commencé dans le ciel, que sur terre on prolonge,
Mystérieux enchantement !