Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/179

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XLVIII
Poignante volupté, — plaisir qui fait peut-être
L’homme l’égal de Dieu ! Qui ne veut vous connaître
S’il ne vous a connu, moments délicieux,
Et si longs et si courts qui valent une vie,
Et que voudrait payer l’ange qui les envie
De son éternité de bonheur dans les cieux ! —
Mer de félicité, — ravissement, — extase,
Dont ne saurait donner l’idée aucune phrase
Soit en vers soit en prose ! — Heures du rendez-vous,
Belles nuits sans sommeils, râles, sanglots d’ivresse,
Soupirs, mots inconnus qu’étouffe une caresse,
Baisers enragés, désirs fous !


XLIX
Amour ! Le seul péché qui vaille qu’on se damne,
— En vain dans ses sermons le prêtre te condamne ;
En vain dans son fauteuil, besicles sur le nez,
La maman te dépeint comme un monstre à sa fille,
— En vain Orgon jaloux ferme sa porte, et grille
Ses fenêtres. — En vain dans leurs livres mort-nés,
Contre toi longuement les moralistes crient,
En vain de ton pouvoir les coquettes se rient ; —
La novice à ton nom fait un signe de croix ;
Jeune ou vieux, laid ou beau, teint vermeil ou teint blême,
Anglais, français, païen ou chrétien, — chacun aime
Au moins dans sa vie une fois.