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Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/180

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L
Moi, ce fut l’an passé que cette frénésie
Me vint d’être amoureux. — Adieu, la poésie !
Je n’avais pas assez de temps pour l’employer
À compasser des mots : — adorer mon idole,
La parer, admirer sa chevelure folle,
Mer d’ébène où ma main aimait à se noyer ;
L’entendre respirer, la voir vivre, sourire
Quand elle souriait, m’enivrer d’elle, lire
Ses désirs dans ses yeux ; sur son front endormi
Guetter ses rêves ; boire à sa bouche de rose
Son souffle en un baiser, — je ne fis autre chose
Pendant quatre mois et demi.


LI
Sans cela l’univers aurait eu mon poëme
En mil huit cent vingt-neuf, et beaucoup plus tôt même ;
Mais, comme je l’ai dit, je n’avais pas le temps
D’enfiler dans un vers des mots, comme des perles
Dans un cordon. — J’allais ouïr siffler les merles
Avec elle aux grands bois ; — l’on était au printemps.
Elle, comme un enfant, courait dans la rosée
Après les papillons, et la jambe arrosée
D’une pluie argentée, allait chantant toujours ;
Chaque fleur sous ses pas inclinait son ombrelle.
— Moi, je la regardais ; — La nature était belle,
Et riait comme nos amours.
 


LII