Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/181

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Mai dans le gazon vert faisait rougir la fraise :
— Dès qu’elle en trouvait une, heureuse et sautant d’aise,
Elle accourait bien vite et voulait partager ;
Moi, je ne voulais pas ; — c’était une bataille !
D’un bras j’emprisonnais ses deux bras et sa taille,
Et de mon autre main je la faisais manger.
Elle me résistait d’abord, mais, bientôt lasse
D’une lutte inégale, elle demandait grâce,
Promettant de payer en baisers sa rançon.
— Alors, comme un oiseau dont on ouvre la cage,
Elle prenait son vol et fuyait, la sauvage,
Se cacher derrière un buisson.


LIII
Et puis je l’entendais rire sous la feuillée
De me tromper ainsi. — Quelque abeille éveillée
Sortant d’une clochette, un lézard, un faucheux,
Arpentant son col blanc avec ses pattes grêles,
Une chenille prise aux plis de ses dentelles,
La ramenait bientôt poussant des cris affreux.
— Elle cachait son front contre moi, toute blanche ;
Tressaillant quand le vent remuait une branche,
Ses beaux seins effarés, au tic tac de son cœur
Tremblaient et palpitaient comme deux tourterelles
Surprises dans le nid, qui font un grand bruit d’ailes
Entre les doigts de l’oiseleur.