Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/183

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LVI
Tout ce bonheur n’est plus. Qui l’aurait dit ? Nous sommes
Comme des étrangers l’un pour l’autre ; les hommes
Sont ainsi ; — leur toujours ne passe pas six mois. —
L’amour s’en est allé, Dieu sait où ; — ma princesse,
Comme un beau papillon qui s’enfuit et ne laisse
Qu’une poussière rouge et bleue au bout des doigts.
Pour ne plus revenir a déployé son aile,
Ne laissant dans mon cœur, plus que le sien fidèle,
Que doutes du présent et souvenirs amers.
Que voulez-vous ? — La vie est une chose étrange ;
En ce temps-là j’aimais, et maintenant j’arrange
Mes beaux amours en méchants vers.


LVII
Bénévole lecteur, c’est toute mon histoire
Fidèlement contée, autant que ma mémoire,
Registre mal en ordre, a pu me rappeler
Ces riens qui furent tout, dont l’amour se compose
Et dont on rit ensuite. — Excusez cette pause :
La bulle que j’avais pris plaisir à souffler,
Et qui flottait en l’air des feux du prisme teinte,
En une goutte d’eau tout à coup s’est éteinte ;
Elle s’était crevée au coin d’un toit pointu.
— En heurtant le réel, ma riante chimère
S’est brisée, et je n’aime à présent que ma mère ;
Tout autre amour en moi s’est tu.