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Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/197

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LXXXIV
Le temps de compter trois il revient. — La toilette
Du jeune cavalier en un instant fut faite,
Et, le valet ayant approché le miroir,
Il sourit, — et parut fort content de lui-même,
Mais tout à coup son teint, de pâle devint blême ;
Il avait (le vit-il ou bien crut-il le voir ? ),
Il avait vu bouger dans son cadre la tête
De la vénitienne, et sa bouche muette
Remuer et s’ouvrir comme voulant parler.
— Eh bien ! Signor, fit Juan. — Povera, dit l’artiste
Caressant le portrait d’un regard doux et triste,
Il est trop tard pour reculer.


LXXXV
Ils sortirent tous deux. — La ville était déserte.
À peine çà et là quelque croisée ouverte,
La pluie à fils pressés hachait le ciel obscur ;
Un vent de nord faisait, ainsi que des mouettes
Par un gros temps, crier toutes les girouettes.
Un ivrogne attardé passait battant le mur,
Une fille de joie attendait sur la borne.
— Albertus suivait Juan silencieux et morne ;
Certe, il n’avait ni l’air ni le pas d’un galant.
— Un larron qu’un prévôt conduit à la potence,
Un écolier qui va subir sa pénitence,
Ne marchent pas d’un pied plus lent.