Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

 


C
— Le peintre avait coupé le corset. — Véronique
N’avait sur son beau corps pour vêtement unique
Qu’une toile de Flandre ; — un nuage de lin
De l’air tramé ; — du vent, une brume de gaze
Laissant sous ses réseaux courir l’œil en extase :
— Tout ce que vous pourrez imaginer de fin.
Albertus eut bientôt brisé ce rempart frêle,
Et dans un tour de main déshabillé la belle.
— Il eut tort, c’est gâter soi-même son plaisir,
C’est tuer son amour et lui creuser sa tombe,
Hélas ! Car bien souvent avec le voile tombe
L’illusion et le désir.


CI
Il n’en fut pas ainsi. — La dame était si belle
Qu’un saint du paradis se fût damné pour elle.
— Un poëte amoureux n’aurait pas inventé
D’idéal plus parfait. — O Nature ! Nature !
Devant ton œuvre, à toi, qu’est-ce que la peinture ?
Qu’est-ce que Raphaël, ce roi de la beauté ?
Qu’est-ce que le Corrége et le Guide et Giorgione,
Titien, et tous ces noms qu’un siècle à l’autre prône ?
Ô Raphaël ! Crois-moi, jette là tes crayons ;
Ta palette, ô Titien ! — Dieu seul est le grand maître,
Il garde son secret et nul ne le pénètre,
Et vainement nous l’essayons.
 


CII