Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/213

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CXVI
Les virtuoses font, sous leurs doigts secs et grêles,
Des stradivarius grincer les chanterelles ;
La corde semble avoir une âme dans sa voix.
Le tam-tam caverneux, comme un tonnerre gronde ;
Un lutin jovial, gonflant sa face ronde,
Sonne burlesquement de deux cors à la fois.
Celui-ci frappe un gril, et cet autre en goguettes
Prend pour tambour son ventre et deux os pour baguettes.
Quatre petits démons, sous un archet de fer,
Font ronfler et mugir quatre basses géantes.
Un gras soprano tord ses mâchoires béantes.
C’est un charivari d’enfer !


CXVII
Le concerto fini, les danses commencèrent.
Les mains avec les mains en chaîne s’enlacèrent.
Dans le grand fauteuil noir le diable se plaça
Et donna le signal. — Hurrah ! Hurrah ! La ronde
Fouillant du pied le sol, hurlante et furibonde,
Comme un cheval sans frein au galop se lança.
Pour ne rien voir, le ciel ferma ses yeux d’étoiles,
Et la lune prenant deux nuages pour voiles,
Toute blanche de peur de l’horizon s’enfuit. —
L’eau s’arrêta troublée, et les échos eux-mêmes
Se turent, n’osant pas répéter les blasphèmes
Qu’ils entendirent cette nuit !