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Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/246

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Faire sortir les ours de leur caverne noire ;
En agneaux caressants transformer les lions,
O poëtes ! voilà la véritable gloire ;

Et non pas de pousser à des rébellions
Tous ces mauvais instincts, bêtes fauves de l’âme,
Que l’on déchaîne au jour des révolutions.

Sur l’autel idéal, entretenez la flamme,
Guidez le peuple au bien par le chemin du beau,
Par l’admiration et l’amour de la femme ;

Comme un vase d’albâtre où l’on cache un flambeau,
Mettez l’idée au fond de la forme sculptée
Et d’une lampe ardente éclairez le tombeau ;

Que votre douce voix, de Dieu même écoutée,
Au milieu du combat jetant des mots de paix,
Fasse tomber les flots de la foule irritée.

Que votre poésie, aux vers calmes et frais,
Soit pour les cœurs souffrants, comme ces cours d’eau vive
Où vont boire les cerfs, dans l’ombre des forêts.

Faites de la musique avec la voix plaintive
De la création et de l’humanité,
De l’homme dans la ville et du flot sur la rive.

Puis, comme un beau symbole, un grand peintre vanté
Vous représentera dans une immense toile,
Sur un char triomphal par un peuple escorté.

Et vous aurez au front la couronne et l’étoile !