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Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/247

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Melancholia


 

J’aime les vieux tableaux de l’école allemande ;
Les vierges sur fond d’or aux doux yeux en amande,
Pâles comme le lis, blondes comme le miel,
Les genoux sur la terre, et le regard au ciel,
Sainte Agnès, sainte Ursule et sainte Catherine,
Croisant leurs blanches mains sur leur blanche poitrine,
Les chérubins joufflus au plumage d’azur,
Nageant dans l’outremer sur un filet d’eau pur ;
Les grands anges tenant la couronne et la palme ;
Tout ce peuple mystique au front grave, à l’œil calme,
Qui prie incessamment dans les Missels ouverts,
Et rayonne au milieu des lointains bleus et verts.
Oui, le dessin est sec et la couleur mauvaise,
Et ce n’est pas ainsi que peint Paul Véronèse :
Oui, le Sanzio pourrait plus gracieusement
Arrondir cette forme et ce linéament ;
Mais il ne mettrait pas dans un si chaste ovale
Tant de simplicité pieuse et virginale ;
Mais il ne prendrait pas, pour peindre ces beaux yeux,
Plus d’amour dans son cœur et plus d’azur aux cieux ;
Mais il ne ferait pas sur ces tempes en ondes
Couler plus doucement l’or de ses tresses blondes.