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Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/271

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Et si j’ai fait jaillir de ma sombre palette,
Avec ses tons boueux, cette ébauche incomplète,
Certes ce n’était pas dans le dessein pieux
De sécher votre bourse et de mouiller vos yeux.
Dieu merci ! je n’ai pas tant de philanthropie,
Et je dis anathème à cette race impie.


II



Entrez dans leurs taudis. Parmi tous ces haillons,
Vous verrez s’allumer de flamboyants rayons.
Moins l’aile et le bec d’aigle, ils sont en tout semblables
Aux avares griffons dont nous parlent les fables,
Et veillent accroupis, sans cligner leurs yeux verts,
Sur de gros monceaux d’or de fumier recouverts.
Pour y chercher de l’or ils vous fendraient le ventre ;
Pour l’or ils perceraient la terre jusqu’au centre ;
Ils iraient dans le ciel, de leurs marteaux hardis,
Arracher vos clous d’or, portes du paradis,
Et pour les faire fondre en vos cavernes noires,
Anges et chérubins ils vous prendraient vos gloires.

Non que l’or soit pour eux, ce qu’il serait pour nous,
Un moyen d’imposer ses volontés à tous,
Et de faire fleurir sa libre fantaisie
Comme un lotus qui s’ouvre au chaud pays d’Asie.
L’or, ce n’est pas pour eux des châteaux au soleil,
Un voyage lointain sous un ciel plus vermeil,
Un sérail à choisir, de belles courtisanes
Baignant de noirs cheveux leurs tempes diaphanes ;