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Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/272

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Des coureurs de pur sang, une meute de chiens,
Une collection de grands maîtres anciens,
L’impérial tokay côte à côte en sa cave,
Avec les pleurs de Christ sur leur natale lave.
L’or, ce n’est pas pour eux la clef de l’idéal,
L’anneau de Salomon, le talisman fatal,
Qui, forçant à venir les démons et les anges,
Fait les réalités de nos rêves étranges.
Ils aiment l’or pour l’or : c’est là leur passion ;
Le seul bonheur pour eux c’est la possession ;
Comme un vieil impuissant aime une jeune fille,
Quoiqu’ils n’en fassent rien, ils aiment l’or qui brille,
Et voudraient sous leurs dents, pour grossir leur trésor,
Pouvoir, comme Midas, changer le pain en or.

Les choses de ce monde et les choses divines,
Les plus grands souvenirs, les plus saintes ruines,
Ils ne respectent rien et vont détruisant tout.
Ils jettent sans pitié dans le creuset qui bout,
Avec leurs cercueils peints et dorés, les momies
Des générations dans le temps endormies.
Ils brûlent le passé pour avoir ce peu d’or
Qu’aux plis de son manteau les ans laissaient encor.
Chandeliers de l’autel, vases du sacrifice,
Ouvrages merveilleux pleins d’art et de caprice,
Cadres et bas-reliefs aux fantasques dessins,
L’ange du tabernacle et les châsses des saints,
Les beaux lambris d’église et les stalles sculptées
Gisent au fond des cours à pleines charretées.
Pour cuire leur pâture ils n’ont pas d’autre bois
Que des débris d’autel et des morceaux de croix ;
C’est un bûcher doré qui chauffe leur cuisine,
Cependant qu’accroupie au coin du feu, Lésine,
Les yeux caves, le teint plus pâle qu’un citron,