Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/274

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Ils laissèrent au corps son linceul de ruines.
Ils détruisaient, car telle était leur mission,
Mais ne spéculaient pas sur leur destruction.

C’est vous qui perdez l’art et par qui les statues
Près de leurs piédestaux moisissent abattues !
Destructeurs endiablés, c’est vous dont le marteau
Laisse une cicatrice au front de tout château ;
C’est vous qui décoiffez toutes nos métropoles,
Et, comme on prend un casque, enlevez leurs coupoles ;
Vous qui déshabillez les saintes et les saints,
Qui, pour avoir le plomb, cassez les vitreaux peints
Et rompez les clochers, comme une jeune fille
Entre ses doigts distraits rompt une frêle aiguille ;
C’est à cause de vous que l’on dit des Français :
« Ils brisent leur passé ; c’est un peuple mauvais. »
Encor, si vous étiez la vieille bande noire !
Mais vous êtes venus bien après la victoire.
Vous becquetez le corps que d’autres ont tué ;
Vous avez attendu que sa chair ait pué,
Avant que de tomber sur le géant à terre,
Vautours du lendemain ! Dans le champ solitaire,
Par une nuit sans lune, où le firmament noir
N’avait pas un seul œil entr’ouvert pour vous voir,
Vous avez abattu votre vol circulaire
Et porté tout joyeux la charogne à votre aire.
Les bons et braves chiens, lors que le cerf est mort,
S’en vont. Toute la meute arrive alors, et mord,
Mêlant ses vils abois à la trompe de cuivre,
Le noble cerf dix cors, qu’à peine elle osait suivre ;
Et les bassets trapus, arrivés les derniers,
Ont de plus gros morceaux que n’en ont les premiers.
Vous êtes les bassets : Vous mangez la curée
Par les chiens courageux aux lâches préparée.