Quand les guerriers ont fait, les goujats vont au corps
Et dérobent l’argent dans les poches des morts.
Ô fille de Satan, ô toi, la vieille bande,
Comme ta mission, tu fus horrible et grande.
Je ne sais quelle rude et sombre majesté
Drape sinistrement ta monstruosité ;
Une fauve auréole autour de toi rayonne,
Et ton bonnet sanglant luit comme une couronne ;
Des nerfs herculéens se tordent à tes bras ;
L’airain, comme un gravier, se creuse sous tes pas ;
Sur le marbre, en courant, tu laisses des empreintes,
Et le monde ébranlé craque dans tes étreintes.
C’est toi qui commença ce périlleux duel
Du peuple avec le roi, de la terre et du ciel ;
Et quand tu secouais, de tes mains insensées,
Les croix sur les clochers, si près de Dieu dressées,
On croyait que le Christ, par les pieds et le flanc,
En signe de douleur allait pleurer le sang ;
On croyait voir s’ouvrir la bouche de sa plaie
Et reluire à son front une auréole vraie,
Et l’on fut bien surpris que ton bras et ton poing
Après l’avoir frappé, ne se séchassent point.
Tout le monde attendait un grand coup de tonnerre,
Comme au saint vendredi quand l’on baise la terre ;
On ignorait comment Dieu prendrait tout cela,
Et quel foudre il gardait à ces insultes-là.
Nulle voix ne sortit du fond du tabernacle,
Le ciel pour se venger ne fit aucun miracle,
Et comme dans les bois fait un essaim d’oiseaux,
Les anges effarés quittèrent leurs arceaux.
Mais tu ne savais pas si dans les nefs désertes
Tu n’allais pas trouver, avec leurs plumes vertes,
Leur œil de diamant et leurs lances de feu,
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