Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/295

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La chanson que Mignon chante à Wilhelm dans Gœthe :
« Ne la connais-tu pas, la terre du poète,
La terre du soleil où le citron mûrit,
Où l’orange aux tons d’or dans les feuilles sourit ?
C’est là, maître, c’est là qu’il faut mourir et vivre,
C’est là qu’il faut aller, c’est là qu’il faut me suivre. »

« — Restons, enfant, restons : ce beau ciel toujours bleu,
Cette terre sans ombre et ce soleil de feu
Brûleraient ta peau blanche et ta chair diaphane.
La pâle violette au vent d’été se fane ;
Il lui faut la rosée et le gazon épais,
L’ombre de quelque saule, au bord d’un ruisseau frais ;
C’est une fleur du Nord, et telle est sa nature.
Fille du Nord comme elle, ô frêle créature !
Que ferais-tu là-bas sur le sol étranger ?
Ah ! la patrie est belle et l’on perd à changer.
Crois-moi, garde ton rêve.

                                       « — Italie ! Italie !
Si riche et si dorée ; oh ! comme ils t’ont salie !
Les pieds des nations ont battu tes chemins,
Leur contact a limé tes vieux angles romains ;
Les faux dilettanti s’érigeant en artistes,
Les riches ennuyés et les rimeurs touristes,
Les petits lords Byrons fondent de toutes parts
Sur ton cadavre à terre, ô mère de Césars !
Ils s’en vont mesurant la colonne et l’arcade ;
L’un se pâme au rocher, et l’autre à la cascade :
Ce sont, à chaque pas, des admirations,
Des yeux levés en l’air et des contorsions ;
Au moindre bloc informe et dévoré de mousse,
Au moindre pan de mur où le lentisque pousse,
On pleure d’aise, on tombe en des ravissements