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Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/99

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Et d’obstacles semée ont tenté les hasards,
Malgré les coups de bec de mille geais criards;
Et d’Alfred de Vigny, qui d’une main savante
Dessina de Cinq-Mars la figure vivante;
Et d’Alfred de Musset et d’Antoni Deschamps,
Et d’eux tous dont la voix chante de nouveaux chants;
Des vieux qu’un siècle ingrat en s’avançant oublie,
Guillaume de Lorris, dont l’œuvre inaccomplie,
Poétique héritage, aux mains de Clopinel
Après sa mort passa, monument éternel
De la langue au berceau; Pierre Vidal, trouvère
Dont le luth tour à tour gracieux et sévère,
Sous les plafonds ornés de nobles panonceaux,
Dans leurs fêtes charmait les comtes provençaux;
Peyrols l’aventurier, qui rime en Palestine
Quelque amoureux tenson qu’à sa belle il destine;
Le bon Alain Chartier, Rutebeuf le conteur,
Sire Gasse-Brulez, Habert le traducteur,
Maître Clément Marot, madame Marguerite,
De ses jolis dizains la muse favorite;
Villon; et Rabelais, cet Homère moqueur,
Dont le sarcasme, aigu comme un poignard, au cœur
De chaque vice plonge, et des foudres du pape
N’ayant cure, l’atteint sous la pourpre ou la chape:
Car nous aimons tous deux les tours hardis et forts,
Mais naïfs cependant et placés sans efforts,
L’originalité, la puissance comique
Qu’on trouve en ces bouquins à couverture antique,
Dont la marge a jauni sous les doigts studieux
De vingt commentateurs, nos patients aïeux.
Quand nous aurons assez causé littérature,
Nous changerons de texte et parlerons peinture;
Je te dirai comment Rioult, mon maître, fait
Un tableau qui, je crois, sera d’un grand effet: