Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/184

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Tout dans ce beau climat offre une poésie
Dont, si rude qu’on soit, on a l’âme saisie.
Qui ne serait poète en face de ce ciel,
Baldaquin de saphir, coupole transparente,
Où par les citronniers la tiède bise errante
        Ressemble aux chansons d’Ariel ?…

Quel plaisir ! quel bonheur ! — Une lumière nette
Découpe au front des tours la moindre colonnette ;
Les palais, les villas, les couvents, dans le bleu
Profilent hardiment leur silhouette blanche ;
Une fleur, un oiseau, pendent de chaque branche ;
Chaque prunelle roule un diamant de feu.

Le petit chevrier hâlé de la Sabine,
Le bandit de l’Abruzze avec sa carabine,
Le moine à trois mentons qui dit son chapelet,
Le chariot toscan, traîné de bœufs difformes
Qui fixent gravement sur vous leurs yeux énormes,
        Le pêcheur drapé d’un filet,

La vieille mendiante au pied de la Madone,
L’enfant qui joue auprès, tout pose, tout vous donne
Des formes et des tons qui ne sont point ailleurs.
Baigné du même jour qui fit Paul Véronèse,
Le coloriste fier doit se sentir à l’aise,
Loin du public bourgeois, loin des écrivailleurs.

Partout de l’harmonie ! En ce pays de fées,
La voix ne connaît pas de notes étouffées,
Tout vibre et retentit, les mots y sont des chants,
La musique est dans l’air, — parler bientôt s’oublie :
Comme ailleurs on respire, on chante en Italie ;
        Le grand opéra court les champs.