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SUR QUELQUES POÈTES.


Cela met, je crois, dans son jour, ce que je viens de tou- aher en parlant de La Fontaine. S’il n’est pas ordinaire de rouvcr de l’agrément parmi ceux qui se piquent d‘etre rai- onnables, c'est peut—etre parce que la raison est entée lans leur esprit, où elle n’a qu’une vie artificielle et em«- wuntée; c'est parce qu’on honore tropsouvent du nom le raison une certaine médiocrité de sentiment et de génie, gui assujettit les hommes aux lois de l'usage, et les dé- oume des grandes hardicsses, sources ordinaires des gran- les fautes. Boileau ne s’est pas contenté de mettre de lavérité et de a poésie dans ses ouvrages, il a enseigné son art aux au- res; il a éclairé tout son siècle; il en a banni le faux goût, autant qu`il est permis de le bannir; de chez les hommes. ll allait qu'il fût né avec un génie biensingulier, pour échap- ver, comme il a fait, aux mauvais exemples de ses contem- Jorains, et pour leur imposer ses propres lois. Ceux qui Jornent le mérite de sa poésie a l'art et à l'exactitude de sa versilication, ne font pas peut·ètre attention que ses vers sont pleins de pensées, de vivacité, de saillies, et néme d’invention de style. Admirable dans la justesse, lans la solidité et la netteté de ses idées, il a su conserver ' ses caractères dans ses expressions, sans perdre de son feu et de sa force; ce qui témoigne incontestablement un grand lalent. Je sais bien que quelques personnes', dont Yautoritéest respectable, ne nomment génie dans les poètes que l'in- · . vention dans le dessein de leurs ouvrages. Ce n’est, disent- ils, ni l'harmo¤ie, ni l’élégance des vers, ni Timagination dans l`expression, ni méme l'expression du sentiment, qui caractérisent le poète : ce sont, à leur avis, les pensées mâles et hardies, jointes e l‘esprit créateur. Par là,' on prouverait que Bossuet et Newton ont été les plus grands poètes de la terre; car certainement l’invention, la har- • Voltaire, e¤tr’sutne•. Les diverses éditions répètent la moitié de ce pa- ragraphe dans le morœau sur quelqun ouvrage: du M. de Voltaire; nous avons évité ce double emploi. - G. `