9. - [ans us inuvus tcuvsxns'.]
[ll faut écrire parce que l'on pense, parce que l'on est
pénétré de quelque sentiment, ou frappé de quelque vérité
utile. Ce qui fait qu'on est inondé de tant de livres froids,
frivoles ou pesante, c’est que l'on ne suit pas cette maxime.
Souvent, un homme qui a résolu de faire un livre se met
devant sa table, sans savoir ce qu’il doit dire, ni meme ce
qu’il doit penser; ayant l’esprit vide, il essaie de remplir
du papier, il écrit et elface, et forge des pensées et des
phrases, comme le maçon bat du platre, ou comme Parti-
san le plus grossier travaille à un ouvrage mécanique. Ce
n`est pas le cœur qui l’inspire, ce n`est pas la réflexion qui
le conduit, et ce qu’il laisse partout apercevoir c'est l’envie
d’avoir de l’esprit,` et la fatigue que œ soin lui coûte. On
trouve dans tout ce qu’il écrit cette empreinte dure et cet
importun caractère, car il est uaturelque les ouvrages de
la volonté portent la marque de leur origine. On voit un
auteur qui sue pour penser, qui sue pour se faire entendre; ·
qui, aprés avoir formé quelques idées toujours imparfaites,
et plus subtiles que vraies, s'e|l`orce de persuader ce qu’il
ne croit pas, de faire sentir ce qu’il ne sent pas, d'enseigner
ce que lui·méme ignore ; qui, pour développer ses réflexions,
dit des choses aussi faibles et aussi obscures que ses pensées
memes: car ce que l'on conçoit nettement, ou n’a pas be-
soin de le commenter; mais ce qu'on ne fait qu'entrevoir,
on ce qu'on imagine faiblement, on Pallnnge plus aisément
qu'on ne l’explique. L’esprit se peint dans la parole, qui
est son image, et les longueurs du discours sont le sceau
des esprits stériles et des imaginations téuébneuses; de la
vient qu’il y a tant de remplissage dans les écrits, et si peu
de choses utiles. Si l'on voulait ramener d'assez longs ou-
vrages a leurs principaux chefs, ou verrait que tout se ré-
duit a un très-petit nombre de pensées, étendues avec pro-
• Nous donnons de ce morceau une verdon nouvelle et plus complète, d‘a-
prb lu manuscrits. - G.
Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/331
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FRAGMENTS.