naitre, en étais—je pénétré moi-meme? En un mot, les ai-je
contrefaits, ou éprouvés? Je voudrais qu'ils se persua— `
dassent qu‘il ne sert de rien d'avoir mis de l’esprit dans un
ouvrage, quandhon nTy a pas joint le talent d’instruire et de
plaire. Je leur demanderais enfin de se souvenir de cette
maxime, et de lagraver en gros caractères dans leur ca-
binet-: que l’auteur· est fait pour Ie lecteur, mais que le lec-
teur n'es1 pas fait pour admirer l'a_uteur qui lui est inutile.]
V10. À son mv ntraur ous ronrns.
Le plus grand et le plus ordinaire défaut des poètes est
de·ne savoir pas conserver le génie de leur langue, et la
naïveté du sentiment. lls ne pensent.pas que c’est manquer
entièrement de génie pour la poésie et pour l'él0quence,
que de ne pas posséder celui de sa langue. Le génie dc
toutes les sciences et de tous les arts consiste principale-
ment à saisir le vrai, et, lorsqu’on le saisit et qu'on_l'exprime
dans de grandes choses, on a incontestablement un grand
génie'. Mais des mots assemblés sans choix, des pensées
rimées, beaucoup d’images_ qui ne peignent rien_, parce
qu'elles sont déplacées, des sentiments faux et forcés, tout
cela ne mérite pas le nom de poésie; c'est un jargon bar-
bare et insupportable. Je voudrais que ceux qui se mêlent
de faire des vers voulussent considérer que, l'objet de la
poésie n’étant point la difficulté vaincue, le public n’œt
pas obligé de tenir compte aux gens sans talent de la très-
grande peine qu’ils ont à écrire.
_ A ll. sun 1.’0on.
Je ne sais point si Rousseau a surpasse Horace et Pindare
dans ses odes; s'il les a surpassés, je conclus que l'ode est
un mauvais genre, ou, du moins, un genre qui n’a pas
encore atteint, a beaucoup près, "sa perfection. L’idée que
- Var.: [• Tout Pcspril d'un'auteur, dit La Bruyère, consiste ri bien définir
· et ai him peindre. Saisir rapidement le vrai dans les choses et le rendre dans « Pexprcssion, voilà le caractere du génie. u ]