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Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/432

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RÉFLEXIONS

43. C’est une preuve de petitesse d’esprit lorsqu’on distingue toujours ce qui est estimable de ce qui est aimable : les grandes âmes aiment naturellement tout ce qui est digne de leur estime[1].

44. L’estime s’use comme l’amour[2].

45. Quand on sent qu’on n’a pas de quoi se faire estimer de quelqu’un, on est bien près de le haïr.

46. Ceux qui manquent de probité dans les plaisirs n’en ont qu’une feinte dans les affaires : c’est la marque d’un naturel féroce, lorsque le plaisir ne rend point humain[3].

47. Les plaisirs enseignent aux princes à se familiariser avec les hommes.

48. Le trafic de l’honneur n’enrichit pas[4].

49. Ceux qui nous font acheter leur probité ne nous vendent ordinairement que leur honneur[5].

50. La conscience, l’honneur, la chasteté, l’amour et l’estime des hommes sont à prix d’argent : la libéralité multiplie les avantages des richesses[6].

51. Celui qui fait rendre ses profusions utiles a une grande et noble économie[7].

  1. Var. : « C’est une preuve de peu d’esprit et de mauvais goût, lorsqu’on distingue toujours ce qui est estimable de ce qui est aimable ; rien n’est si aimable que la vertu pour les cœurs bien faits. »
  2. Non pas l’estime, mais l’admiration. — S.
  3. Var. : « Les hommes simples et vertueux mêlent de la délicatesse et de la probité jusque dans leurs plaisirs. »
  4. Var. : « La vertu n’est pas un trafic, mais une richesse. »
  5. [Obscur. — V.] — On pourrait peut-être accuser cette pensée d’un peu de subtilité venant d’un défaut de précision dans les termes. Il est sûr que celui qui vend sa probité n’en a déjà plus, puisqu’il consent à la vendre. Ainsi on ne vend point sa probité ; mais on se fait payer de n’en point avoir. — S.
  6. Var. : « Celui qui est riche et libéral possède tout. » — Autre Var. : « La libéralité augmente le prix des richesses. » — (Voir Sur la Libéralité, page 79.) — G.
  7. Var. : « Celui qui sait rendre son dérangement utile est au-dessus de l’économie. »