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Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/478

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RÉFLEXIONS

thousiasme ; le sang froid discute et n’invente point ; il faut peut-être autant de feu que de justesse pour faire un véritable philosophe.

336. [L’esprit n’atteint au grand que par saillies.]

337. La Bruyère était un grand peintre, et n’était pas peut-être un grand philosophe ; le duc de La Rochefoucauld était philosophe, et n’était pas peintre.

338. [Locke était un grand philosophe, mais abstrait ou diffus, et quelquefois obscur. Son chapitre de la Puissance est plein de ténèbres, de contradictions, et moins propre à faire connaître la vérité qu’à confondre nos idées sur cette matière[1].]

339. Si quelqu’un trouve un livre obscur, l’auteur ne doit pas se défendre. Osez prouver qu’on a eu tort de ne pas vous entendre, osez justifier vos expressions, on attaquera votre sens : Oui, dira-t-on, je vous entends bien ; mais je ne pouvais pas croire que ce fût là votre pensée.

340. [Un bon esprit ne s’arrête pas au sens des paroles, lorsqu’il voit celui de l’auteur.]

341. [Faites remarquer une pensée dans un ouvrage, on vous répondra qu’elle n’est pas neuve ; demandez alors si elle est vraie, vous verrez qu’on n’en saura rien.]

342. [Voulez-vous dire de grandes choses, accoutumez-vous d’abord à n’en jamais dire de fausses.]

343. Pourquoi appelle-t-on académique un discours fleuri, élégant, ingénieux, harmonieux ; et non pas un discours vrai et fort, lumineux et simple ? Où cultivera-t-on la vraie éloquence, si on l’énerve dans l’Académie[2] ?

  1. Voir la note de la page 206. — G.
  2. Add. : [ « Y a-t-il donc tant de choses qu’on ne puisse dire avec simplicité et avec force ? » ] — Var. : [ « Ce qu’on appelle un discours académique, est, selon moi, un discours contre les règles de la vraie éloquence. » ]